Je vous ai laissé en suspens quelques jours pour faire monter un peu la pression...Quelle petite maligne je fais!
C'est bien beau de vous raconter ce que j'ai vu, par où on est passé mais on sait tous que les détails croustillants du voyage, les péripéties, les rencontres...ça intrigue pas mal!
NB: Pour ceux qui s'inquiéteraient de savoir comment je peux voyager en stop avec la quantité de bagage avec laquelle je suis partie de France, je tiens à souligner que je me suis allégée de beaucoup de superflu. Par ailleurs, au cours de mes pérégrinations j'ai laissé des une valise à Córdoba chez Adrián, et une woofeuse de Mendoza a rapporté avec elle à Buenos Aires un autre de mes sacs. Je le récupérerai avant de rentrer en France.
Je peux commencer par vous dire que je suis devenue une pro du lever de pouce : moyenne du temps d'attente 30 minutes à une heure! Soyons claires : nous sommes en Argentine et deux minettes en sac à dos sur le bord de la route, ça offre aux hommes l'occasion de jouer aux chevaliers servants.
Commençons par le début...Nous passons la première nuit malgré nous à la Difunta Correa, ce sanctuaire. Il a plu à torrents et nous sommes trempées. C'est Manolo qui nous y a déposé. Il a eu tellement pitié de moi dans mon sweat-serpillère qu'il m'a offert sa polaire...que j'ai bien sûr refusée au départ mais il a tellement insisté que j'ai accepté. Certes, elle m'a légèrement encombrée dans le sac à dos, elle était loin d'être sexy (qui demande à un routier de 130 kg d'être sexy?!), elle ne va pas du tout avec les vêtements que j'ai emmené...néanmoins j'ai remercié chaque jour du voyage de l'avoir, ne serait-ce pour faire du stop en plein vent comme le long de la Quebrada de Humahuaca ou que ce soit pour me servir d'amortisseur de cailloux la nuit dans la tente...Oui parce qu'un simple sac de couchage, c'est pas le plus moelleux et le terrain accidenté et rocailleux du nord andin m'a légèrement endurci le postérieur!
Il est midi quand nous partons de la Difunta. Des autostoppeuses qui prennent leur temps! Au croisement de la route, nous rencontrons deux garçons qui sont sur le bord de la route depuis 7h le matin et sans succès. Petite montée d'adrénaline bien évidemment, et on se dit qu'avec un peu de chance, nous décollerons en fin de journée...Oui mais c'est sans compter sur les pouvoirs magiques d'un pouce féminin tendu aux routiers. A peine une demi-heure plus tard, alors que nous avons avancé un peu plus loin de l'endroit où sont les gars (oui c'est la règle, premiers arrivés moins à marcher!), un camion leur passe sous le nez et s'arrête pour nous. C'est Marcos qui accepte de nous emmener jusqu'au croisement de Marayes. Très sympa mais surtout très surpris de voir deux filles faire du stop, il nous met en garde sur les chauffeurs routiers. Marcos transporte de la bière, de la Quilmes pour être précise. Quand il nous laisse à Marayes, il nous tend deux bouteilles de bières d'un litre et nous dit que nous n'aurons qu'à la boire bien fraîche ou l'échanger contre un repas si nous venions à manquer.


Si c'est pas mignon...mais on les a bu les bières...une le soir même sous le ciel étoilé de la Vallée de la Lune, et l'autre à Tafi del Valle quelques jours plus tard. D'ailleurs, petite anecdote concernant la Vallée de la Lune. Nous sommes arrivées en début d'après-midi à Valle Fertil, fais une petite pause et puis avons pris la direction du parc. Quelques 60 kilomètres nous séparent du parc et cependant tous ceux à qui nous demandons comment est le trafic nous assurent que nous auront beaucoup de mal à arriver le jour même. Ils ne savent pas à qui ils ont à faire, elles sont tenaces les deux petites lionnes et nous n'en faisons qu'à notre tête et parvenons finalement à nos fins. Sur le chemin, j'ai réussi à casser le thermo acheté pour l'occasion (allons-nous survivre sans le maté???) et à perdre mon seul sweat (laissé sur la banquette arrière d'une « estanciera »-une voiture ancienne – dans laquelle nous avons fait 2 kilomètres puisqu'elle est tombée en panne. Nous avons bien failli camper au bord de la route mais la chance nous a à la bonne et nous dormirons dans le parc de la Vallée de la Lune le soir même. Quant à la bière, savourée au clair de lune, un des policiers de garde nous l'a gentiment échangée contre une qu'il gardait bien au frais (gare à la bière chaude...elle peut vous faire courir aux toilettes plus vite que votre ombre!)
Après avoir bien profité du paysage lunaire, nous prenons la route vers la Rioja et Catamarca pour gagner Tucuman. Nous suivons cette fois les conseils des locaux et de gagner à pied le croisement vers la route principale. Mauvaise idée...il ne passe personne, le soleil se couche et nous devons planter la tente au beau milieu de nulle part. La nuit a été pittoresque puisque nos voisins, les ânes, ont décidé de nous faire savoir qu'ils étaient dans les parages.

Le lendemain, pleines d'espoir, nous tendons le pouce dès 7h30. Toujours personne...Une heure plus tard, il fait déjà chaud et nous n'avons plus d'eau (deuxième indice pour l'autostoppeur, toujours s'arranger pour avoir de l'eau!) et nous décidons de faire demi-tour et de tenter notre chance à la sortie du parc. Quatre longues heures vont s'écouler avant que le camion qui apporte l'eau au parc prend pitié de nous et nous ramène à Valle Fertil. Douche fraîche à la station service et sursaut ravitaillement en eau fraîche. Propres et rafraîchies, nous commençons à demander à ceux qui s'arrêtent à la station service s'ils peuvent nous déposer au croisement de Marayes. Deux tentatives qui n'aboutissent pas : la première, c'est tant mieux parce que les gars avaient l'air d'avoir un sérieux coup dans le nez, et la deuxième m'a un peu plus fait rager. Il faut savoir que les routiers de YPF (les pétroles argentins) n'ont pas le droit de prendre des autostoppeurs, mais dans le doute je tends le pouce à un d'entre eux qui s'arrête. Je pique un sprint et lui sers le discours habituel. Il accepte, contre toute attente. Je lui dis que je cours chercher les sacs et ma camarade. On revient au pas de course là où il s'était arrêté...et le bougre il avait filé!!! Vous savez la rage que ça peut provoquer quand il fait pas loin de 40 degrés, que vous avez réussi à vous rafraîchir, mettre des vêtements propres et que pour un faux espoir vous êtes de nouveau trempée de sueur...Autant vous dire que j'ai pesté!!! Pas longtemps malgré tout puisque deux minutes plus tard, nous trouvions d'autres chauffeurs. D'ailleurs, nous avons doublé le camion YPF et j'ai eu comme une envie de lui faire un doigt d'honneur...néanmoins, je suis une jeune fille éduquée et me suis abstenue!!!
Croisement de Marayes. A peine installées à l'ombre, je tends le pouce. Premier camion, deuxième camion : BINGO! C'est Lucas qui s'arrête. Il est de Cordoba et les habitants de Cordoba sont réputés en Argentine pour être de joyeux lurons. Il ne faillit pas à la légende et nous a bien fait rire. Il décide même de s'arrêter dans un petit village pour nous offrir une bière, nous en acheter deux autres pour la route. Avec pas grand chose dans le ventre, la bière a des pouvoirs surnaturels!


Il nous dépose au poste frontière entre la Rioja et Cordoba (en Argentine, entre chaque frontière il faut passer un genre de douane, le poste étant géré par des policiers plus ou moins motivés). Contrôle de papiers pour commencer puis tournée de maté! Les policiers, notamment Sergio le plus à nos petits soins, nous laisse libre accès à la cuisine, nous offre une glace gigantesque pour le dessert, et nous installe dans une petite salle du poste pour passer la nuit. A 3h du matin, alors que nous dormons profondément, il nous réveille et nous prévient qu'il a un camion pour nous à 4h. Le chauffeur se repose un peu mais a accepté de nous emmené jusqu'à la ville la plus proche : Chamical.
Une heure plus tard, nous sommes sur le parking de la station service. C'est l'euphorie dans le village...nous sommes vendredi soir et la cumbia (style musical) fait encore vibrer les murs des bars. Aaaah ces jeunes alcoolisés qui viennent nous proposer de dormir chez eux...Ils sont si serviables!!!
Faire du stop à deux, c'est compter sur l'autre quand on est fatigué et ce matin-là c'est Ailen qui n'a pas d'énergie pour faire du stop. Elle a n'a pas eu son compte de sommeil et je m'active donc pour trouver un chauffeur. A 9h, nous sommes en route pour Frias, à mi chemin vers Tucuman. Le voyage a été long et monotone et c'est un chauffeur peu bavard que nous accompagnons. Vers midi, il nous laisse à Frias. En 30 secondes chrono en main, alors qu'on ne s'est pas étiré les jambes, je tends le pouce à un camion...qui s'arrête! Nous ne pouvons pas en croire nos yeux!!! C'est Pablo qui s'arrête et il s'en va à Tucuman...non mieux Famailla, juste à côté de Tafi del Valle!!!! Quelle chance. Pablo conduit pieds nus, c'est plus confortable!


Le monde est si petit que lorsqu'il me demande d'où je viens, je lui dis Nantes et il me dit qu'il connaît à cause du club de rugby, le SNUC. Je lui dis que je connais parce que mon petit frère y a joué...et bref, moi ça m'a fait marrer de rencontrer un routier de Tucuman qui connaît le club de rugby de Nantes!!! Il faut savoir qu'en plus de jouer au rugby, Pablo est professeur de danse folklorique. Non ce n'est pas incompatible. D'ailleurs, en Argentine, beaucoup d'hommes sont très fiers de pouvoir danser la Chacacera, el Gato, el Chamamé. On est loin du tango célèbre de Buenos Aires, mais ce sont des danses qui ont gardé l'esprit de la campagne et de ces gens.
Pablo nous laisse à une heure de route de Tafi. A nouveau, nous dépassons un groupe de gars qui fait du stop. Poliment, nous saluons et avançons un peu plus loin. Mais que voulez-vous, nos sourires resplendissants ont plus de succès et c'est nous qui partons en premier!!!!
J'ai cru que je ne repartirai pas de Tafi... Nous sommes partis en excursion dans les montagnes, et ce, malgré la pluie. Je dis nous, c'est-à-dire, Ailen et le petit groupe que nous avons connu au camping. Direction un point de vue en hauteur, au milieu des nuages. Une fois l'objectif atteint, la majorité a voulu continuer, pas moi. J'ai donc amorcé la descente. A un moment, au lieu de prendre à gauche, j'ai pris à droite et j'ai commencé à marcher...j'ai croisé un cheval mort dans son enclos, des peaux de moutons en train de sécher sur des fils barbelés, des chiens un peu énervés...et oui...j'ai commencé à paniquer! Respirer profondément et faire demi-tour. Deux heures plus tard, j'arrive au camping où tout le monde est déjà rentré. Autant dire qu'une fois que je leur ai raconté par où je suis passée, j'ai eu le droit à des blagues sur le sens de l'orientation des Françaises!
Tafi, Amaicha puis Quilmes. Rappelez-vous, nous sommes allées aux Ruines Quilmes. Il a bien fallu en revenir. Après avoir crapahuté sous la chaleur, nous prenons le chemin du retour. 5km. Les jambes ont du mal à ne pas faiblir. Et puis sans demander, une voiture s'arrête et nous demande : « Cafayte »??? Oui oui oui, nous allons à Cafayte!!! C'est Francine et Roger, de Montréal, qui nous embarque. Imaginez que vous n'avez pas parlé français depuis un bon moment et que lorsque vous reprenez contact avec votre langue maternelle vous ne comprenez rien!!!!!! C'est exactement ce qui c'est passé...pas forcément parce que j'ai tout oublié mais parce que le Québecois, c'est pas facile à comprendre! Francine et Roger ont un peu plus de la cinquantaine, pas d'enfants, un peu voire très fous, ils nous ont fait mourir de rire. A Cafayate, Roger décide de nous offrir un verre de vin à leur hôtel. Nous repartirons deux heures plus tard, après avoir bu deux bouteilles tous les quatre d'un très bon vin de la région. Monter la tente ce soir-là dans le noir aura provoquer quelques crises de fous rires...tout comme la polenta que nous avons totalement raté!
Au sortir de Cafayate commence la Quebrada de las Conchas. Le couple qui nous a embarqué dans sa kangoo est en visite aussi et ils s'arrêtent à tous les endroits stratégiques. Impeccable. Néanmoins, j'ai bien failli ne pas repartir avec eux, puisqu'au Mirador des Trois Croix, j'ai oublié de regarder où je mettais les pieds, glissé sur les genoux en pleine descente. Ça ne semble pas être grand chose, sauf que le chemin est au bord d'un précipice!!! Heureusement, y'a que mes genoux qui s'en souviennent!
Salta la linda (la jolie)...ouai ouai...sympa la ville mais pour en sortir beaucoup moins! Il nous a fallu marcher, grimper et pas cents mètres!!! Il fait particulièrement chaud et la piscine du camping me revient rapidement à l'esprit! Tout est dans la tête dit-on quand il faut faire un effort physique...facile à dire mais quand vos neurones sont cramés par le soleil, ça devient beaucoup plus compliqué! Nous survivrons et poserons nos sacs sur le bord de la route en direction de San Salvador de Jujuy. Premier tronçon de route à bord d'une mégane, 4 gars à bord. Ailen monte sur mes genoux. Ils travaillent dans le transport... Mmmmm??? En posant quelques questions stratégiques, nous réalisons rapidement que le type de marchandises qu'ils se chargent d'emmener du Paraguay ou de la Bolivie vers l'Argentine, c'est pas du thé! Pourvu qu'il n'y ait pas de contrôle sur la route... Cinquante kilomètres plus loin, ils nous déposent et c'est « légèrement » soulagées que nous descendons du bolide.
Sur le chemin vers San Salvador, nous avons la malheureuse occasion d'assister à un accident de la route assez terrible puisque c'est un bus de voyageurs qui s'est encastré dans le seul arbre sur le bas côté. Ça vous refroidit...quand en plus vous montez en voiture avec des gens que vous ne connaissez pas.
Purmamarca : les montagnes aux mille couleurs et les Salinas Grandes. J'ai bien cru qu'on allait passer la nuit en tenues estivales à quelques 3600m... Nous y sommes allés en stop, Ailen, deux compagnons de route et moi. C'est un chauffeur qui remonte vers le Pérou, en passant par le Chili, qui nous a pris tous les 4 en stop et nous a fait grimper le colimaçon dans la montagne. Pour le retour, il nous faut donc trouver une voiture mais il est déjà un peu tard et les voitures qui passent sont pleines à craquer. Il fait frisquet en haut quand le soleil se couche et le vent semble souffler de plus en plus fort, c'est parfois même difficile de tenir debout.
Encore une fois, de bonnes âmes ont eu pitié de nous et nous ont redescendu jusqu'à Purmamarca. J'ai eu le mal des hauteurs au moment de la descente...mais je répète...je suis une jeune fille éduquée et je ne vomis pas dans les voitures que je ne connais pas!!!
A Tilcara, j'ai seulement pris cher à la marche en montagne mais on ne peut pas vraiment dire que c'est une anecdote...juste une indéniable vérité...je manque de pratique!!!
La route vers le nord andin se termine à Humahuaca où je vais prendre mon premier cours de Chacarera, une danse folklorique, dans un centre culturel où nous avons passé la dernière soirée. Mais après le folklore vient le reggaeton...Cette danse brûlante de l'Amérique Latine qui vous fait remuer les hanches, les fesses comme si vous étiez un mélange de Shakira et de Beyonce! Ah ouai c'était chouette... mais en altitude, on a un peu moins d'endurance et c'est tous dégoulinant de sueur que vers 4h du matin, dans le froid, il nous faudra regagner le camping.
Direction le nord est...il est temps de nous séparer du petit groupe.
A Humahuaca, nous sommes prises en stop par Alejandro. Son histoire m'a beaucoup touchée puisque c'est un « ancien » enfant des rues de Buenos Aires à qui, un jour, quelqu'un a tendu la main. Il a su saisir sa chance et est maintenant entrepreneur. Il a 46 ans et a offert un bel avenir à ses 4 enfants. Il s'arrêtera à Tilcara pour nous offrir une pizza et nous laissera à San Salvador de Jujuy. Sa bonté et sa générosité m'ont émue parce qu'il n'a jamais oublié d'où il vient et maintenant qu'il peut rendre service, il sait le faire de bon cœur.
Sur le bord de la route à Jujuy, inspirées par les chorégraphies que faisaient nos compagnons de Purmamarca pour attirer l'attention, nous effectuons quelques petits pas pour indiquer la direction dans laquelle nous voulons aller. Et ça marche!!!! Non seulement, on a réussi à faire rire quelques automobilistes aigris au volant mais en plus un camion va s'arrêter. Chauffeurs du Paraguay. La communication est un peu limitée puisqu'ils parlent principalement guarani, et au mieux un mélange d'espagnol et de guarani. Malgré ce petit inconvénient, nous allons réussir à leur faire comprendre où nous voulons aller. Eux remontent vers Asuncion pour atteindre Ciudad del Este en passant par la province de Formosa. Quand à nous, nous avions dans l'idée de prendre une autre route...mais le but est d'arriver à Puerto Iguazu, peu importe le trajet emprunté. Les gars nous propose alors de faire route avec eux jusqu'à Ciudad del Este et nous voilà en route pour le Paraguay. Chance inouïe, il y a deux couchettes dans le camion et nous allons pouvoir nous alterner pour dormir un peu puisqu'il est 17h quand nous grimpons dans le camion et nous serons à Ciudad del Este, si tout va bien, le lendemain vers 15h. Les chauffeurs et moi allons passer la nuit à siroter du maté et tenter de discuter pendant qu'Ailen fait sa petite sieste à l'étage.

Il est 9h du matin quand nous arrivons à la frontière. Les gars roulent depuis 5h du matin la veille, sans relâche et sans dormir. Mauvaise nouvelle, vue la file d'attente de camions pour passer la douane, ils risquent de devoir passer le week-end en attente. Terminus pour nous, nous poursuivons à pied.
Or, j'ai omis de vous signaler que depuis le 26 décembre, j'étais illégale en Argentine...je n'avais pas renouvelé mon visa!!! Pas moyen d'échapper à l'amende de 300 pesos (qui au passage vaut le même prix que le renouvellement du visa!). Le petit détail est qu'il n'y pas de système pour payer par carte bancaire et que je dois prendre un taxi, aller sur Clorinda retirer du liquide et revenir! Ça m'apprendra tiens!!!
Documents en règle, nous passons la frontière à pied et les quelques centaines de mètres qui nous séparent de la station service vont mettre à rude épreuve nos débardeurs. Il fait extrêmement chaud et humide. A ce moment-là, j'avais encore rarement autant transpiré. Oui, c'est pas très glamour mais c'est la réalité! Nous payons quelques pesos pour prendre une douche et, à dire vrai, je ferme les yeux parce que le sol est couvert de blattes et de cafard morts.
Pour aller à Ciudad del Este, il nous faut d'abord gagner Asuncion. Nous passons le pont au-dessus du fleuve Paraguay, celui que je voyais depuis la terrasse d'Horacio, le premier couchsurfeur du Paraguay, puis je passe à deux pas de là où habitait ma couchsurfeuse du mois de juillet, Lourdes mais je n'ai malheureusement pas son numéro sur moi. L'escale à Asuncion est de courte durée. Nous devons rejoindre San Lorenzo et c'est en partie en bus et en grande partie à pied que nous le faisons. Autant dire que la douche du matin est déjà un vague souvenir. Là où nous posons nos sacs, un homme est en train de lire le journal. Il nous voit tellement haletantes qu'il propose de nous offrir quelque chose de frais à boire. Quel délice ce soda à l'ananas! Au Paraguay, l'autostop est moins répandu et encore moins pour des filles. Alors dès les premiers pouces que nous tendons, nous avons le droit aux appels de phares, les gens nous saluent pensant que nous leur disons bonjour! C'est assez drôle! La chance nous sourit rapidement puisque 20 minutes plus tard, nous montons dans un camion direction Ciudad del Este. Pas franchement évident de se comprendre entre l'accent et le mélange guarani-espagnol. Asuncion-Ciudad del Este, c'est environ 6h de trajet. Notre routier nous a à la bonne et nous offre des chipas, ce beignet salé fourré au fromage et c'est plutôt bienvenu parce qu'on n'a pas mangé grand chose depuis la veille. Pause pipi. A nouveau, j'ai la preuve que l'humour sera toujours la meilleure manière de se sortir d'une impasse. Notre chauffeur prend confiance et profite d'un moment où Ailen s'absente pour me dévisager, ou plutôt me passe en revue et me lance cette petite phrase qui ne met pas tout à fait à l'aise (enfin surtout quand le chauffeur n'est pas tout jeune et horriblement laid!) : « t'as plutôt un beau physique, belle femme », phrase à laquelle j'ai répondu : « on fait ce qu'on peut! », ça l'a fait rire et j'ai rapidement changé de sujet en demandant combien de temps de route il nous restait.
Il pleut à torrent sur la route, la nuit commence à tomber et on ne peut pas dire que les Paraguayens soient les as de la sécurité. Rappelez-vous ce chauffeur de bus dont je vous ai parlé qui s'endormait au volant. Nous aurons à nouveau la preuve que la route peut vous coûter la vie : accident de la route gravissime. Camion + voiture + moto = la jambe d'une femme sous ce qui fut à un moment donné un monospace. Une image gravée à jamais. Personnellement, j'ai rapidement détourné le regard, alors que le chauffeur ralentit pour mieux admirer le spectacle macabre et se met à rire en disant qu'il en avait vu des accidents, et des pires. Je lui ai clairement répondu que je ne voulais rien savoir, et à l'arrière, Ailen a fondu en larmes. La sensation que la vie ne tient qu'à un fil ou plutôt qu'à un coup de frein. Ça nous a pas mal refroidi. Le chauffeur nous laisse au péage situé avant l'entrée à Ciudad del Este. Il nous propose de nous laisser dormir dans le camion pendant que lui va faire un peu la fête. L'accident, l'attitude du chauffeur, ses remarques...j'ai pas du tout envie de rester dans le camion, même si ça signifie qu'il faut monter la tente et qu'on perd l'occasion de dormir sur un vrai matelas.. On peut pas dire que le fait qu'il aille boire des coups et qu'il soit susceptible de revenir éméché ou ivre m'ait inspiré confiance et je fais signe à Ailen que non, nous ne passerons pas la nuit dans le camion. Instinct de survie sans doute.
Une bonne nuit de sommeil pour se remettre sur les rails et nous voilà fraîche pour passer Ciudad del Este. Il nous reste quelques kilomètres depuis le péage pour atteindre la ville, et c'est un bus qui s'arrête. Nous lui faisons signe que nous n'avons pas d'argent et il nous a emmené gratis!!! La grande classe!!! J'ai un peu honte toute de même parce que le bus ne vaut presque rien et on aurait pu le payer, sachant que le guarani est une monnaie vraiment faible. Mais la règle était de faire le maximum d'autostop!!!
Le bus nous dépose sur la route pour passer au Brésil et nous pouvons tranquillement faire du pouce jusqu'à la douane. A notre grande surprise, nous retrouvons nos chauffeurs paraguayens qui nous avaient emmené de San Salvador à la frontière Argentine – Paraguay. Ils ont finalement réussi à passer la douane avant le week-end et sont de retour chez eux.
Un conseil pour ceux qui s'aventureraient à vouloir faire du stop jusqu'à la frontière Paraguay – Brésil : allez-y à pied! Vous aurez plus vite fait de slalomer entre les voitures, les moto-taxis, les bus, les vendeurs ambulants, les as du shopping... Nous sommes bien montées dans une voiture, mais quand au bout d'une demi-heure, suffocante au passage, la voiture n'a pas bougé d'un mètre, j'ai décidé de descendre et convaincu Ailen d'en faire autant. Sans regret...sinon je pense que nous y serions encore.
Nous voilà au Brésil, à Foz do Iguazu, pas tout à fait prévu dans le plan initial...Néanmoins, pendant une minute, nous songeons à faire une folie et à continuer tout droit vers les plages de Camboriu qui sont à dix heures de route...une bagatelle quoi! mais le temps manque un peu à Ailen. Il nous faut arriver les premiers jours de février à Cordoba.
Du guarani, du brésilien...la communication n'est pas toujours évidente en terre inconnue. Ça va nous coûter une belle marche dans Foz do Iguazu, nous n'avons pas compris que la frontière vers l'Argentine était à plus de 10 kilomètres, une fois sorties de la ville, et traverser Foz, c'est long! Nous déclarons forfait après 3h de marche sous une chaleur écrasante et prenons un bus qui nous emmène directement à Puerto Iguazu, côté argentin. Le comble, c'est que ce même petit bus part directement de la frontière Paraguay – Brésil, que ça coûte 7 pesos que vous le preniez au début ou milieu du parcours. Promis, je me mets au brésilien pour le prochain voyage.
Pas d'incident notable à Puerto Iguazu, sauf peut-être le « viejo verde » (le « vieux vert » expression qui décrit un homme pas tout jeune mais qui a des vues sur les petites jeunes) du camping qui n'a pas arrêté de me draguer au nez et à la barbe de sa femme. Allez Noëmie, souris et prends tout ça à la légère sinon tu risques de l'envoyer balader de façon tout à fait grossière, et je répète : je suis une jeune fille éduquée qui n'insulte pas les petits vieux!!!
Nous avons bien essayé de frauder à l'entrée du Parc National d'Iguazu, sur les conseils de nombreux « mochileros » (vient de mochila, le sac à dos, donc ceux qui voyagent en sac à dos) mais ça n'a pas marché. Il faut savoir qu'en Argentine, la majorité des tarifs varient si vous êtes Argentins, du Mercosur (Union de certains pays d'Amérique du Sud) ou de l'extérieur. Pour Ailen, c'est 35 pesos l'entrée, pour moi 100. Pas de bol, nous sommes tombées sur le seul guichetier qui demande des papiers d'identité à l'entrée et je vais devoir payer les cent pesos!
De Puerto Iguazu, nous avons pour objectif d'atteindre San Ignacio et les ruines jésuites. A nouveau, c'était sans compter sur les surprises du voyage en stop. Il pleut des cordes, le tonnerre gronde et les éclairs sont comme des stroboscopes gigantesques ce jour où nous partons de Puerto Iguazu. C'est un chauffeur brésilien de Foz qui s'arrête et nous met à l'abri du déluge. Questions habituelles : d'où venons-nous? Comment nous connaissons-nous? Quel âge avons-nous? N'est-ce pas dangereux deux filles en stop? Nous sommes presque au terme du voyage et avons répondu à ces questions au moins une trentaine de fois et avons désormais nos réponses toutes prêtes!
C'est ce chauffeur qui va nous conseiller de passer la nuit au Lago Urugua-i. En arrivant près du lac, nous ne nous posons pas la question longtemps et décidons de planter la tente. Ever, le chauffeur, propose d'aller chercher des bières au village pour que nous puissions trinquer. Le voilà donc parti poser son camion à la station service du village à quelques kilomètres puisqu'il ne peut pas le laisser au bord de la route. Nous nous installons, cuisinons...Ever ne réapparaît pas. Au final, Ailen et moi trinquons toutes les deux et filons nous coucher. Une heure plus tard, alors que nous avons sombré dans un profond sommeil, j'entends comme une voix très grave juste à côté de mes oreilles, puis quelqu'un qui essaie d'ouvrir la tente. Ils sont plusieurs et parlent en portugais. Ever est bien revenu avec deux bières, mais aussi avec deux potes routiers. Ni une ni deux, je retrouve mes esprits et réveille Ailen. Tous sourires, ils sont ravis de nous faire la surprise. Mmmmmmmmmouai...j'suis pas réellement du même avis et Ailen encore moins puisqu'au bout d'une demi-heure, elle retourne se coucher me laissant seule avec les 3 Brésiliens. Ils ont eu la « délicate » attention de nous prévenir qu'il fallait être prudentes ici, ne pas se baigner la nuit, puisque le lac abrite des Sucuri et des Jacaré, en d'autres termes des anacondas (vous savez cet immense serpent capable de s'avaler une vache!) et des caïmans. Bah tiens, ça me met en confiance pour aller me baigner le lendemain ça!!!
Ever, un peu déçu qu'Ailen s'en aille, il explique à son voisin qu'il a envie de rentrer alors que celui qui est assis à côté de mois (48 ans, soit dit en passant) commence à me caresser la cuisse. Il croit encore au Père Noël à son âge...je ne compte pas le laisser faire. Tous les trois décident alors, sans s'inquiéter de si ça nous dit ou pas, de revenir le lendemain soir pour faire une grillade tous ensemble. Perso, j'avais envie de faire un asado avec eux comme d'aller chez le dentiste!
Bref, mon voisin se fait un peu insistant et je mets un terme à la conversation prétextant que je suis exténuée (c'est pas tout à fait faux, ni complètement vrai). Ever et son pote se lèvent et demandent tout naturellement au troisième s'il rentre ou s'il passe la nuit ici. Ah ouai??? On peut peut-être me demander mon avis auparavant non??? Je devance la réponse et explique clairement que s'il veut rester dormir au lac ce sera sur un des bancs et non ailleurs.
Il décide finalement de rentrer avec ses collègues mais au moment de me dire au revoir, il fait tout de même une ultime tentative pour rater ma joue. Z'ont l'sang chaud les Brésiliens!!!
On a « prié » le lendemain pour qu'ils ne reviennent pas, c'est pas ce type de compagnie que nous recherchons, et l'univers nous a écouté! MERCI!!!! N'empêche qu'avec leur explications de la faune du lac, j'ai mis un temps fou à rentrer dans l'eau le lendemain, tout en surveillant s'il n'y avait pas un truc louche dans le sable ou entre les joncs!!!
Du lac Urugua-i, nous faisons route vers San Ignacio. Au croisement où nous a laissé la première voiture, nous allons attendre un peu plus que d'ordinaire. Le soleil commence à se coucher, j'ai un mal de tête abrutissant à cause de la chaleur. Il est 20h et je tends le dernier pouce de la journée. Bingo! Le camion s'arrête et nous allons avoir beaucoup de chance puisqu'il va précisément à la Playa del Sol, là où nous avons prévu de passer la nuit. C'est à la fois une sablière (le sable étant extrait du milieu du fleuve Parana), et un camping abandonné, où nous retrouvons quelques mochileros rencontrés à Puerto Iguazu.
Pour repartir du camping, c'est très simple. Il suffit d'attendre qu'un camion vienne charger du sable et lui demander de nous déposer dans le centre. Le chauffeur à qui nous demandons de nous emmener va être particulièrement aimable puisqu'il va nous laisser à l'entrée de la mission jésuite que nous sommes venues visiter.
Durant la visite, on entend le ciel gronder. Il fait une chaleur harassante et c'est dur de trouver de l'air. Nous quittons le site et toujours aucune goutte...on étouffe... Nous nous installons pour déjeuner, nous rafraîchir et aussi « célébrer » la fin à proprement parlé de notre itinéraire. Il nous faut arriver à Cordoba, mais nous avons fait tout ce que nous avions prévu de faire! Sensation agréable!
Au moment où nous nous apprêtons à reprendre la route, l'orage éclate enfin et la pluie inonde rapidement la route, les balcons, les terrasses. Ça ne nous arrange pas vraiment mais qu'est-ce c'est agréable!!!!

Nous allons attendre que ça se calme pour nous mettre en route. C'est Mauro, un commercial en produit vétérinaire qui nous emmène de San Ignacio a Posadas. Il ne veut pas nous laisser n'importe où et fait alors un grand détour pour nous mettre sur la route de Corrientes. Il est déjà tard et nous repérons un endroit où dormir. C'est alors que s'arrête Israel qui nous dit qu'il est tard, que personne va nous prendre en stop à cette heure-ci. Il nous dit d'aller voir le responsable du camping d'en face et de lui dire que nous venons de sa part. Le camping est désert. Nous faisons la connaissance de German, un homme d'une cinquantaine d'années qui a en charge la surveillance et l'entretien du camping. Il nous confirme que nous pouvons planter la tente sans problème. Israel revient rapidement, lui est le jardinier du cimetière paysager qui est à côté du camping. Tous les 4, nous allons boire du maté un bon moment et nous allons écouter les histoires, rocambolesques, de chacun. Au moment d'aller dormir, German nous tend des matelas. Au cours de la conversation, j'avais dit que les premiers mouvements du matin étaient difficiles, surtout au niveau du bassin, puisque nous dormions à même le sol. J'accepte les matelas et il se met à rire en me disant qu'au moins demain j'aurais pas mal aux fesses. Quelle nuit extraordinairement confortable nous passons!!!!

Le bonheur de sentir quelque chose de moelleux sous mon postérieur, mon dos...
Dès 7h le lendemain matin, nous sommes sur le pied de guerre. Nous remercions notre hôte et reprenons la route.
Ce vendredi matin, l'autostop va fonctionner assez rapidement. C'est un camion venant de Curitiba, au Brésil, qui s'arrête. Nous faisons la connaissance de Daniel, de Sao Paolo, et de Junior, de Parana. Daniel ne parle pas un mot d'espagnol, mais Junior qui a vécu au Mexique parle très bien. Il nous demande où nous voulons aller et nous leur disons Cordoba. Eux aussi! Banco! Nous allons faire route ensemble!
Rares sont les camions qui font le voyage seuls. Daniel est en équipe avec 3 autres camions : celui d'Edismuno, celui de Charles et celui d'Isaac. On entend la radio-sibi s'égosiller. Ce sont les autres chauffeurs qui se sont arrêtés plus loin et préviennent Daniel, qui ne tarde pas à leur dire qu'il s'est arrêté pour prendre des autostoppeuses. Si bien que lorsque nous rejoignons les autres camions, ils viennent aux nouvelles.
Détail important que je ne dois pas omettre. Les gars ne sont plus pressés d'arriver. Nous sommes vendredi et ils savent qu'ils n'arriveront pas avant la fermeture de l'entrepôt de Cordoba. Ils déchargeront lundi. Donc pourquoi se presser???
Première pause pêche, pause déjeuner – nous sommes invitées à partager leurs repas – deuxième pause pêche. Cette fois, un des routiers me dit de venir pêcher avec eux. J'ai quelques vagues souvenirs de comment ça se passe mais je m'en sors plutôt bien puisque j'ai pêché 4 jolis poissons dorés et moustachus pour le dîner! Comme on ne se refait pas, alors que je sortais un poisson de l'eau, j'ai dérapé, me suis cognée puis coincée le pied gauche dans des cailloux. On ne m'avait pas dit que la pêche était un sport à hauts risques!
Une fois le dîner du soir pêché, lavé et préparé, nous reprenons la route. Son à fond dans le camion, nous faisons petit à petit connaissance avec les gars. Daniel est le surexcité de la bande mais il me fait mourir de rire. Junior, son cousin, est beaucoup plus calme. Ça équilibre. Au moins, on ne s'ennuie pas à bord. Nous avons roulé peut-être une heure quand tous décident de s'arrêter, avant de passer Corrientes, pour passer la nuit. Tournée de bières à la station service avec d'autres collègues à eux qui sont sur le retour. Nous dînons tous entre deux camions : du riz, des frijoles (des haricots rouges) – un basique de la cuisine brésilienne, et les poissons que nous avons pêché, qui ont été panés et fris. Waouhhhhhhhhhhhhhhhhhhh, depuis que nous sommes parties de la ferme, je n'avais pas aussi bien mangé. Un vrai régal! C'était un chouette moment, on a beaucoup ri.

Pour passer la nuit, nous allons changer de camion puisque Junior et Daniel partagent déjà la cabine. Edismuno nous propose sa couchette et lui va attacher le hamac entre les deux portières.
Le samedi, le réveil est laborieux pour certains qui ont traîné un peu plus tard. Nous partons après le petit déjeuner, vers 8h. Nous traversons Corrientes, puis Resistencia. On s'arrête déjà. Ils veulent faire des courses. Des vraies minettes ces routiers brésiliens, ils reviendront deux heures plus tard les bras chargés de nourriture. Cette fois, c'est parti. En route pour Cordoba, pour de vrai. Nos plans vont être légèrement contrecarrés par un ennui technique. Demi-tour vers Resistencia, à l'atelier Scania. Les mécaniciens étaient sur le point de partir en week-end...pas de chance! La panne est plus sérieuse qu'ils n'imaginaient et nous allons passer toute l'après-midi à l'atelier. Junior s'est inquiété de savoir si nous étions attendues à Cordoba, si nous voulions récupérer nos sacs. Mais rien ne presse désormais et nous préférons rester avec eux. Cette après-midi à l'atelier Scania, Daniel nous a bien fait rire. Les mécaniciens ont dû faire nombres d'efforts pour garder leur sérieux. C'est seulement vers 19h que nous reprenons la route. En fin de compte, les autres chauffeurs qui devaient nous attendre, ont décidé de filer car les horaires sont restreints le week-end pour les camions et ils veulent être sûrs d'arriver à bon port dimanche avant 18h.
Vers 22h, nous nous arrêtons pour prendre une douche et dîner. Nous retrouvons un autre chauffeur et ami de Daniel qui est sur le retour : Celiu. Il a 23 ans et il conduit des camions depuis l'âge de 12 ans. Sa maison, c'est son camion et les stations services et il m'explique que quand il laisse son camion c'est pour monter dans sa voiture et être aussi sur les routes. Une façon tout à fait extraordinaire, au premier sens du terme, de vivre. Avec Daniel, alors qu'Ailen est partie dormir dans une des Logan 0km que les gars convoient, et que Junior s'est installé dans la cabine, nous allons bavarder une bonne partie de la nuit autour de quelques bières. Bien que nous ne parlions pas une seule langue en commun nous arrivons à nous comprendre. Comme quoi, nous pouvons communiquer quand nous le voulions bien, ce n'est pas qu'une question d'utiliser la même langue. Il m'a raconté pourquoi il fait ce travail de fou : ses deux filles. Il m'a confié beaucoup de choses dont il ne peut pas discuter avec les autres chauffeurs, et m'a dit qu'Ailen et moi étions désormais des petites sœurs pour lui et Junior, qu'à partir du moment où nous sommes montées dans le camion, ils devaient nous protéger. Il s'est excusé du comportement parfois un peu douteux des autres chauffeurs, même si lui siffle les filles à longueur de temps, il avait beaucoup de respect pour nous et qu'il ne voulait pas que quelqu'un nous traite mal. Je suis très émue en entendant tout cela. Il existe encore beaucoup de gens biens dans ce monde individualiste qu'on veut nous vendre. J'en ai encore une fois la preuve.
Je vais dormir deux petites heures cette nuit-là, moi aussi dans ma Logan 0 km. A 4h30, c'est Junior qui se met au volant. Petit détail...Junior était juste venu accompagné son cousin, mais il lui arrive de le remplacer pour que Daniel se repose. Junior a une histoire toute particulière. Il a vécu quelques mois au Mexique, avant de passer illégalement aux Etats-Unis où il a ouvert un atelier de mécanique. Durant 4 ans, il va amasser des dollars puis rentrer au Brésil et acheter des terrains pour construire des maisons pour petits budgets. Il m'a scié en nous racontant cela parce qu'il faut du cran pour accepter de vivre dans l'illégalité dans un pays comme les Etats-Unis.
Vers 15h, dimanche, nous laissons nos compagnons de route à leur destination. Nous sommes à quelques kilomètres du centre de Cordoba et il vont attendre demain matin pour décharger les Logan, charger les Sendero et repartir. Je ne saurai dire combien de camions du Brésil sont en attente dans cette station service. Nous allons nous dire au revoir autour d'un asado et quelques bières, et j'avoue, le cœur gros, nous reprenons la route vers le centre ville et aussi la fin de notre voyage. En trois jours, nous avons lié une chouette amitié. Daniel fait un peu le gros dur mais c'est lui qui s'est ému le premier de nous laisser partir. Quant à moi, j'ai d'ores et déjà promis de passer au Brésil les voir lors de mon prochain voyage.
 |
3 comme : amor salud y paz |
Quelques jours à Cordoba, puis mercredi, Ailen repars à Mendoza. C'est Lucas un des chauffeurs que nous avons rencontré au début du voyage et qui prenait régulièrement des nouvelles qui va ramené Ailen à sa famille.
Cette fois, il faut vraiment se dire au revoir, et à bientôt... Cette expérience nous a encore plus rapprochées, nous avons pu apprendre à mieux nous connaître, nous rendre compte de nos différences aussi. Pour moi, c'était la première fois que je voyageais avec quelqu'un et quand on est habitué à le faire seul, ça demande patience et compréhension. Quelle aventure, non? Une belle façon de terminer mes Déambulations...